
Je viens de terminer ce roman de 200 pages rédigé à quatre mains, découvert au festival Alterfiction d’Yverdon et qui vient de sortir. Christophe C. Künzi et Tu Wüst, nous plongent dans un futur pas si lointain dans lequel la technologie a résolu tous les problèmes de l’humanité. Ou presque… Les deux auteurs de plusieurs nouvelles, parfois primées, habitués des rencontres du mercredi de la SF, à Lausanne, ont décidé de faire le pas et d’écrire ensemble ce premier roman. Histoire de se donner du courage. Premier pari gagné, puisqu’ils ont été édités par GLP éditions qui a cru en leur projet.
Raconté sous la forme de tranches de vie sur une chronologie tracée d’avance, ce roman nous livre une vision désenchantée, parfois violente du monde de demain dont tout l’intérêt réside dans leur capacité à nous y immerger, le temps de la lecture.
D’emblée, à la manière d’une tragédie grecque, ils nous présentent les protagonistes, il y a Mia l’effrontée des Zones à Confort Limité, Mambassa Tutuka, l’énigmatique président du parti humaniste d’opposition, Rajesh Buverdan, le président tout puissant, Vaucan-5 le robot enquêteur inspiré ainsi qu’une quinzaine d’autres dont nous découvrons leur participation à l’événement historique autour duquel se déroule le roman. Chaque chapitre est une petite nouvelle autonome, consciencieusement datée qui nous permet de tracer, dans notre tête, les liens qu’elles entretiennent. Petit à petit, l’Histoire se déroule devant nos yeux jusqu’à sa conclusion.
La qualité de ce récit réside principalement dans la forme narrative qui vous permettra de découvrir ce qui se trame dans ce monde imaginaire sans jamais vous ennuyer. Le style est agréable et les personnages attachants. Le thème lui-même résonne déjà avec l’actualité toute récente. Je me suis retrouvé dans cette parodie de monde parfait. Sans tomber dans la théorie du complot, les auteurs nous livrent une vision critique de notre propre réalité. Tout ce qui fait, d’après moi, l’intérêt d’une bonne œuvre de SF.
Je ne peux résister à vous livrer mon personnage préféré. J’aurais pu vous citer l’ambiguë Kali, informaticienne au parti humaniste, ou la dernière trouvaille de la société robotique Gingerbot, le robot enquêteur qui se prend pour Sherlock Holmes. Mais c’est Mia qui l’emporte haut la main, à la fois victime et héroïne, même si la fin du roman présente une autre facette, moins sympathique. Mais c’est aussi cela que j’ai apprécié dans ce roman, cette volonté des auteurs de ne pas tomber dans le manichéisme de personnages stéréotypés. Aussitôt créés, aussitôt supprimés, on fini par les regretter.
J’ai donc apprécié la lecture de ce premier roman, même si, parfois, j’ai regretté que certains passages ne donnent pas lieu à des développements plus léchés, comme si Christophe et Tu craignaient d’aller trop loin. Je les encourage à oser le faire lors de leur prochain projet.
Si vous voulez passer un bon moment et découvrir des auteurs suisses romans qui ont de l’avenir, n’hésitez pas à vous y plonger également, les défauts cités ne vous empêcheront pas de faire briller vos yeux à la lueur de leur kaléidoscope.
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