Lorsque j’écris, je projète sur le papier un monde que je ne connais pas. Qui jaillit de mon imagination et se laisse construire sur la page blanche. Un monde que je découvre en me retournant pour observer les traces qui se laissent façonner dans le sable au fur et à mesure que j’avance. Cet imaginaire est devenu réalité. Réalité que je confronte à LA réalité.
La réalité d’un reportage publié dans The Guardian sur les filles vendues par leurs parents afin de pouvoir nourrir le reste des enfants apparaît certe plus réelle que celle de Collin qui offre à son ami Chick un cocktail composé à l’aide de son pianocktail sur l’air de Loveless Love.
Et pourant, les deux coexistent.
Lorsque j’écris alors, une fois ce monde imaginaire devenu tangible, je le confronte à la réalité par un processus de fact checking, ersatz moderne de la méthode scientifique expérimentale. Les mots et les phrases jouent alors avec moi et je joue avec eux, modifiant au gré de mon intuition telle ou telle tournure afin d’y apporter plus de précision ou plus d’ambiguïté, espérant ainsi faire partager au futur lecteur toute l’amplitude des possibilités de l’univers qu’il découvre en suivant mes traces tel un pisteur sioux.
Le monde en moi, ma réalité, se construit également comme cela. Il existe en dehors de toute réalité, à part la mienne propre. Et, sans arrêt, je l’affine, l’abreuvant des découvertes faites au gré des explorations suivant les traces laissées par d’autres.